- Extrait de Germinal d'Emile Zola:
- Une note d'Histoire:
Mardi 26 Février 1884,
Photo: Le Coron.
Je sympathise avec le vieux Maheu dit Bonnemort. Il propose de me loger. J’accepte. Nous avançons côte à côte sans un mot. Il apparait alors dans la plaine rase un alignement triste et morne de maisons : c’est le coron. En longue file, deux rangs de maisons collées dos à dos. Un petit trottoir de brique. De l’autre côté de la rue des jardins sales, plantés d’arbustes maigres, sans allée tracée, très peu cultivés. Des puits communs, des lieux communs… pas de séparations, quelques clôtures… Traînant ici et là quelques vieux baquets et vieux ustensiles crasseux.
"Au milieu des champs de blé et de betteraves, le coron des Deux-Cent-Quarante dormait sous la nuit noire . On distinguait vaguement les quatre immenses corps de petites maisons adossées, des corps de caserne et d'hôpital, géométriques, parallèles, que séparaient les trois larges avenues, divisées en jardins égaux. Et, sur le plateau désert, on entendait la seule plainte des rafales, dans les treillages arrachés des clôtures."
A Denain, les premières cités minières sont bâties vers 1830, mais les maisons dites individuelles dévorent l’espace et éloignent les ouvriers de la fosse. La nécessité de construire en grand nombre, économiquement et à proximité des puits, tout en conservant un jardin, conduit à aligner les maisons, ce qui serait le véritable sens du mot coron désignant une série de maisons accolées en ligne (d’après le wallon akoron). Les corons Jean-Bart reçoivent les premiers locataires denaisiens en janvier 1852, le système se généralisera très vite.
Mardi 26 Février 1884,
Il pleut. Mes pieds s’enfoncent dans le sol boueux du coron. Nous marchons encore et encore devant des petites bâtisses toutes semblables. Nous nous arrêtons et rentrons chez le vieil homme. J’enlève mes vêtements trempés, je m’allonge, Vincent souffle sur la dernière chandelle encore allumée et je plonge mon regard dans les ténèbres. Peu à peu mes yeux s’habituent au noir et je distingue autour de moi une véritable maison de mineur. Triste demeure. Une porte aux marches disjointes conduit à la cuisine où le fourneau de fonte tient la place centrale et à côté, deux planches poussiéreuses pour mettre la vaisselle. Un grand lit de noyer, une armoire étroite, une table recouverte d’une toile cirée jaunie, quelques chaises de paille vieillissante, un miroir brisé, un bac à charbon et contre le poêle, le garde manger. Au dessus de moi, un crucifix. Au fond, une petite fenêtre noircie, fermée par un rideau blanc. En bas, une autre chambre étroite et humide, deux lits, une armoire à linge… Le bruit, la saleté et l’humidité sont partout. Epuisé, je m’endors…
. Proportions d’une maison de mineur au XIX ème siècle.
. Rez de chaussée :
Pièce d’entrée (4,50x3,95m)
Cuisine (3,20x2,65m)
Couloir (2,65x2,10m)
. Première étage :
Antichambre (3,90x2m)
Chambre à coucher (3,85x3,35m)
Chambre à coucher (3,42x2,80m)
Lampisterie et lampes utilisées par les mineurs:
Mercredi 27 Février 1884,
Réveil douloureux. Je partage un café brûlant avec le vieux Bonnemort. Nous discutons. Un mineur est tombé malade. Il me propose de le remplacer. Mineur, moi ? Je réfléchis quelques minutes, puis j’accepte. Un toit et quelque chose dans le ventre, finalement, c’est tout ce dont j’ai besoin…
Je reste immobile devant la mine, assourdi et aveuglé, je fais quelques pas vers la salle des machines aussi puissantes que bruyantes. La machine, superbe, trois étages dans un escalier de bois pour aller en haut. La bielle énorme monte et descend. Les deux bobines colossales où les deux câbles de fer plats s’enroulent en sens contraire. Le massif énorme de maçonnerie en brique sur lequel repose la machine. Pas un ébranlement. Elle se trouve en arrière de la fosse, à vingt-cinq mètres, dans une salle plus haut. Un moulineur me crie « Attention ! ». Je manque de peu d’être écrasé…
Mon cœur bat à tout rompre. Je lève les yeux au ciel et soudain il m’apparaît haut, imposant, une véritable charpente de fer : le chevalement. C’est la bouche du puits d’extraction, le point le plus visible de la mine … tout s’organise autour de lui. De plus en plus, la mine m’impressionne…
Le Chevalement:
Doucement et sans vraiment m’en rendre compte, je retourne à la recette. Grelottant de froid, je pose mon regard sur cette grande salle où l’on reçoit hommes et charbon. Le mouvement des cages, le roulement des berlines, l’intense activité des manœuvres d’extraction créent un vacarme de tous les diables !
Fiévreux, je me laisse guider par Vincent dans ce que l’on peut considérer comme le sanctuaire de la mine : la lampisterie. Une salle remplie de plusieurs centaines de lampes où règne le silence. Un silence si assourdissant que je reste sans mot dire dans un respect presque religieux… La voix du vieux Bonnemort vient brisée ce silence religieux : « Dans les ténèbres de la mine, la lumière c’est la vie ! ». Sa voix résonne et semble ricocher sur les lampes… Il m’explique que chacune est numérotée et se trouve accrochée dans cette salle sous le numéro correspondant.
Les mineurs possèdent tous une médaille avec un numéro propre et lorsqu’un mineur descend, il prend sa lampe à laquelle il substitue sa médaille. Le système est simple.
« Au fond de la fosse, la lumière est la seule étoile du mineur » lâche solennellement le vieux Maheu et sur ces mots, nous sortons.
Nous rentrons. Demain c’est ma première descente et mon premier jour en tant que mineur…
Le porteur de lampes.
"Après avoir monté un escalier obscur à moitié détruit, il s'était trouvé sur une passerelle branlante, puis avait traversé le hangar du criblage, plongé dans une nuit si profonde, qu'il marchait les mains en avant, pour ne pas se heurter. Devant lui, brusquement, deux yeux jaunes, énormes, trouèrent les ténèbres. Il était sous le beffroi, dans la salle de recette, à la bouche même du puits.
(…)
Quatre lanternes étaient plantées là, et les réflecteurs, qui jetaient toute la lumière sur le puits, éclairaient vivement les rampes de fer, les leviers des signaux et des verrous, les madriers des guides, où glissaient les deux cages. Le reste, la vaste salle, pareille à une nef d'église, se noyait, peuplée de grandes ombres flottantes. Seule, la lampisterie flambait au fond, tandis que, dans le bureau du receveur, une maigre lampe mettait comme une étoile près de s'éteindre. L'extraction venait d'être reprise ; et, sur les dalles de fonte, c'était un tonnerre continu, les berlines de charbon roulées sans cesse, les courses des moulineurs, dont on distinguait les longues échines penchées, dans le remuement de toutes ces choses noires et bruyantes qui s'agitaient."
Le "chevalement", qu'on appelle aussi "chevalet" et même selon les traités, 'belle-fleur", est comme le symbôle de la mine, car il en est la partie la plus visible. Pour le visiteur, c'est lui d'abord, et de loin'qui distingue le paysage minier de tout autre paysage industriel. Rare sont les chevalement identiques.
La "recette", ainsi nomme-t-on le lieu où l'on reçoit les hommes et le charbon, à la bouche même du puits. C'est une grandes salle où s'accomplissent toutes les manoeuvres de l'extraction proprement dite. La plus importante est réalisé le clichage.
Autour du vaste emplacement de la recette s'ouvrent différentes salles de service abritées. Il y a "la salle des mineurs", où s'alignent les coffres et les armoires numérotés contenant les effets des mineurs.
Sur un côté s'étend "la lampisterie", chaque lampe est numérotée et chaque mineur possède sa lampe. Dans la mine la lampe c'est la vie.
Et enfin "la salle des machine".
Mercredi 27 Février 1884,
Je viens d’entrer dans la lampisterie. Désormais je ne peux plus faire marche arrière. Je reçois ma lampe et me dirige vers le bord du puit. Un trou béant de trois ou quatre mètres, profond, presque sans fin… A côté, la cage est là. Simple cage de fer. Nous nous y entassons avec empressement pour descendre au fond de l’enfer. Je sens le sol manquer sous nos pieds, nous descendons doucement et sans bruit. Nous sommes arrivés, mon cœur se resserre, la cage se vide. Les ouvriers traversent la salle d’accrochage haute de quatre mètres et taillée à même le roc. Il y règne une forte odeur de salpêtre. Je sens des souffles chauds. Je suis dans la mine.
Quatre galeries s’ouvrent à nous. Nous nous séparons dans ces trous noirs longs de plusieurs kilomètres. Pas un mot, le silence règne, je marche seul derrière le groupe d’ouvriers. «Attention la tête !». Trop tard ! Ma tête tape violemment contre le barrage de la galerie. Je continu à marcher péniblement, à chaque pas mes pieds butent contre le sol humide et rocailleux. Je lève la tête : le toit est soutenu par d’énormes cadres de bois, derrière lesquels j’aperçois la masse de la pierre terne et rugueuse. Cette installation ne m’inspire pas confiance… La gorge serrée, j’avance dans le silence morne de la galerie, croisant par moment, enfants, chevaux ou rats. Depuis un instant, je perçois avec inquiétude un bruit sourd et lointain. Le roc tremble. Un carrefour se présente. Nous nous séparons.
Galeries de mine boisées.
Les galeries menant à la veine sont petites et étroites. Nous rampons sur un escarpement de charbon tant le plafond est près du sol. C’est un véritable chemin de taupe ! La poussière entre dans mes yeux, mes poumons et mes oreilles… la douleur est atroce ! La sueur ruisselle de mon corps, épaisse, brûlante et noirâtre, mes habits me collent à la peau, et la température devient soudainement insupportable ! Les portes d’aérage battent, mais l’air est irrespirable. Je souffre.
Galeries de mine maçonnées.
La progression est difficile. Finalement, on me l’annonce « La veine ! ». C’est la veine où se trouve le front de taille. Le toit en pente descend si bas, que je dois plier l'échine sur près de trente mètres. L’eau m’arrive aux chevilles. Nous faisons deux cents mètres, puis nous montons. Quelques mètres plus haut, je rencontre la première voie secondaire. En levant la tête, mes yeux bien que pleins de poussières distinguent l’empilement des voies. Le front de taille est là… à près de trois cent pieds sous terre ! Je pioche, j’abats, je charge les berlines. Je pioche, j’abats, je charge les berlines… je répète incessamment ce difficile rituel, soutenu par une planche, mon corps presque nu incliné sur à peine trois mètres. Je ne sais combien d’heures se sont écoulées quand on m’annonce que nous remontons… Sous terre, le temps est comme figé.
Galeries de mine cintrées.
Arrivé à la surface, le corps noir de charbon, les muscles douloureux je ne peux m’empêcher de penser que ce premier jour au fond de la mine fut une journée aux portes de l’enfer. Mes mains tremblent mais j’écris...En aurais-je encore la force demain ?
Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d'une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une goutte, s'acharnant dans son oeil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet."
Vendredi 2 avril 1884,
Aujourd’hui la mort a frappé. La mine a tué. Cela fait un mois que je n’ai pas écris, un mois que je descends, jour après jour, braver l’enfer de la mine.
Hier, la mine nous a rappelé à quel point elle était dangereuse. L’eau, ennemie mortelle du mineur. Elle est partout, elle s’introduit partout, elle suinte, elle coule … On ne peut y échapper.
Nous étions sur le front de taille quand l’événement s’est produit. Le pic d’un mineur perça une poche d’eau, un ancien travail oublié rempli d’eau et de gaz sous pression. Nous tentions en vain de colmater la brèche. Le jet fut puissant, irrépressible. Il nous fallu fuir. Mais l’eau envahit tout, renverse dans un grondement hommes, chevaux, berlines… Puis, le silence tomba. Chaque survivant constata l’horreur, la destruction et la mort de ses compagnons. J’entendis quelques prières. Le sauvetage était impossible. De l’eau jusqu'à la taille, nous remontâmes la galerie, afin d’atteindre la surface. Là haut, chacun se réchauffait comme il pouvait. Les vieux mineurs racontaient les accidents qui avaient marqué à jamais la mine…
« Le plafond de la mine où nous travaillons n’est guère solide. Il pourrait bien s’effondrer tout d’un coup. Ma foi ! Crever ça m’est égal. Mais il faudrait ne pas souffrir. Quand du moins, ça vous tue sur le coup sans qu’on s’en aperçoive ! Ah ! J’en ai vu des éboulements, des camarades tirés en bouillie de dessous le remblai ou le charbon … Du bloc qui tombe du toit, au cuvelage qui cède et au puits qui s’effondre, l’éboulement c’est bien le danger le plus constant ! Un front de taille qui s’écroule, une galerie qui s’écrase, broyant les mineurs dans l’enchevêtrement des poutres et des rocs… Rares sont les survivants… » L’homme s’arrête les yeux vides, l’air pensif…
Soudain, un mot brisa le silence « Le grisou ». Ce simple mot jeta l’effroi dans le regard de chacun. « Ce samedi là, nous travaillions de manière acharnée au fond. L’horreur arriva avec la nuit. Au milieu des ténèbres une détonation cinglante. Un ouragan, un cyclone, une trombe, brûlant, renversant et détruisant tout sur son passage ! Une explosion de gaz des mines ! On remonta les corps, on les entassa, l’odeur était insupportable… » Dans un soupir le vieil homme se tu, la mine était en deuil.
Je rentre, silencieux, la gorge nouée, les yeux plein de larmes.La mine tue. Ecrire ces trois mots m’est pénible. La mort qui passe, le cri de mes camarades, le bruit assourdissant… Ces nombreuses images traversent mon esprit. Un cauchemar éveillé! Je m’endors. Demain je ne serais plus mineur...
Lantier Etienne, Le Journal De Charbon.
Tableau de statistiques des causes d'accidents. Par Halton de la Goupillière.
Exemple: chiffres de victimes de catastrophes minières.
Voici d'autres chiffres du XIXème siècle:
. Avril 1823 : Compagnie d'Anzin, 22 morts
. Juillet 1825 : Fosse Saint-Ignace (Boulonnais), 2 morts
. 1868 : Fosse 2 à Oignies, 4 morts
. Juin 1873 : Fosse 2 à Auchy-au-Bois, 7 morts
. Avril 1882 : Fosse 3 à Liévin,, 9 morts
. 1883 : Fosse 7 à Courcelles-les-Lens, 4 morts
. Février 1884 : Fosse 2 à Ferfay, 17 morts
. Janvier 1885 : Fosse 1 à Liévin, 28 morts
. Août 1885 : Fosse 7 à Courcelles-les-Lens, 10 morts
. Novembre 1869 : Fosse 1 à Bully, 18 asphixiés
Les lampes servent également à mesurer la proportion de grisou. En effet, sur certaines d'entre-elles, sont aménagés à l'intention des ingénieurs et des géomètres, des marquages et des graduations qui permettent de mesurer précisément la présence du grisou.
BIBLIOGRAPHIE :
Pendant qu'Etienne se débattait ainsi, ses yeux, qui erraient sur la plaine immense, peu à peu l'aperçurent. Il s'étonna, il ne s'était pas figuré l'horizon de la sorte, lorsque le vieux Bonnemort le lui avait indiqué du geste, au fond des ténèbres. Devant lui, il retrouvait bien le Voreux, dans un pli de terrain, avec ses bâtiments de bois et de briques, le criblage goudronné, le beffroi couvert d'ardoises, la salle de la machine et la haute cheminée d'un rouge pâle, tout cela tassé, l'air mauvais. Mais, autour des bâtiments, le carreau s'étendait, et il ne se l'imaginait pas si large, changé en un lac d'encre par les vagues montantes du stock de charbon, hérissé des hauts chevalets qui portaient les rails des passerelles, encombré dans un coin de la provision des bois, pareille à la moisson d'une forêt fauchée. Vers la droite, le terri barrait la vue, colossal comme une barricade de géants, déjà couvert d'herbe dans sa partie ancienne, consumé à l'autre bout par un feu intérieur qui brûlait depuis un an, avec une fumée épaisse, en laissant à la surface, au milieu du gris blafard des schistes et des grès, de longues traînées de rouille sanglante. Puis, les champs se déroulaient, des champs sans fin de blé et de betteraves, nus à cette époque de l'année, des marais aux végétations dures, coupés de quelques saules rabougris, des prairies lointaines, que séparaient des files maigres de peupliers. Très loin, de petites taches blanches indiquaient des villes, Marchiennes au nord, Montsou au midi ; tandis que la forêt de Vandame, à l'est, bordait l'horizon de la ligne violâtre de ses arbres dépouillés. Et, sous le ciel livide, dans le jour bas de cet après-midi d'hiver, il semblait que tout le noir du Voreux, toute la poussière volante de la houille se fût abattue sur la plaine, poudrant les arbres, sablant les routes, ensemençant la terre.
Etienne regardait, et ce qui le surprenait surtout, c'était un canal, la rivière de la Scarpe canalisée, qu'il n'avait pas vu dans la nuit. Du Voreux à Marchiennes, ce canal allait droit, un ruban d'argent mat de deux lieues, une avenue bordée de grands arbres, élevée au-dessus des bas terrains, filant à l'infini avec la perspective de ses berges vertes, de son eau pâle où glissait l'arrière vermillonné des péniches. Près de la fosse, il y avait un embarcadère, des bateaux amarrés, que les berlines des passerelles emplissaient directement. Ensuite, le canal faisait un coude, coupait de biais les marais ; et toute l'âme de cette plaine rase paraissait être là, dans cette eau géométrique qui la traversait comme une grande route, charriant la houille et le fer.
Les regards d'Etienne remontaient du canal au coron, bâti sur le plateau, et dont il distinguait seulement les tuiles rouges. Puis, ils revenaient vers le Voreux, s'arrêtaient, en bas de la pente argileuse, à deux énormes tas de briques, fabriquées et cuites sur place. Un embranchement du chemin de fer de la Compagnie passait derrière une palissade, desservant la fosse. On devait descendre les derniers mineurs de la coupe à terre. Seul, un wagon que poussaient des hommes jetait un cri aigu. Ce n'était plus l'inconnu des ténèbres, les tonnerres inexplicables, les flamboiements d'astres ignorés. Au loin, les hauts fourneaux et les fours à coke avaient pâli avec l'aube. Il ne restait là, sans un arrêt, que l'échappement de la pompe, soufflant toujours de la même haleine grosse et longue, l'haleine d'un ogre dont il distinguait la buée grise maintenant, et que rien ne pouvait repaître.
Alors, Etienne, brusquement, se décida. Peut-être avait-il cru revoir les yeux clairs de Catherine, là-haut, à l'entrée du coron. Peut-être était-ce plutôt un vent de révolte, qui venait du Voreux. Il ne savait pas, il voulait redescendre dans la mine pour souffrir et se battre, il songeait violemment à ces gens dont parlait Bonnemort, à ce dieu repu et accroupi, auquel dix mille affamés donnaient leur chair, sans le connaître.
FIN