Mercredi 27 Février 1884,
Je viens d’entrer dans la lampisterie. Désormais je ne peux plus faire marche arrière. Je reçois ma lampe et me dirige vers le bord du puit. Un trou béant de trois ou quatre mètres, profond, presque sans fin… A côté, la cage est là. Simple cage de fer. Nous nous y entassons avec empressement pour descendre au fond de l’enfer. Je sens le sol manquer sous nos pieds, nous descendons doucement et sans bruit. Nous sommes arrivés, mon cœur se resserre, la cage se vide. Les ouvriers traversent la salle d’accrochage haute de quatre mètres et taillée à même le roc. Il y règne une forte odeur de salpêtre. Je sens des souffles chauds. Je suis dans la mine.
Quatre galeries s’ouvrent à nous. Nous nous séparons dans ces trous noirs longs de plusieurs kilomètres. Pas un mot, le silence règne, je marche seul derrière le groupe d’ouvriers. «Attention la tête !». Trop tard ! Ma tête tape violemment contre le barrage de la galerie. Je continu à marcher péniblement, à chaque pas mes pieds butent contre le sol humide et rocailleux. Je lève la tête : le toit est soutenu par d’énormes cadres de bois, derrière lesquels j’aperçois la masse de la pierre terne et rugueuse. Cette installation ne m’inspire pas confiance… La gorge serrée, j’avance dans le silence morne de la galerie, croisant par moment, enfants, chevaux ou rats. Depuis un instant, je perçois avec inquiétude un bruit sourd et lointain. Le roc tremble. Un carrefour se présente. Nous nous séparons.
Galeries de mine boisées.
Les galeries menant à la veine sont petites et étroites. Nous rampons sur un escarpement de charbon tant le plafond est près du sol. C’est un véritable chemin de taupe ! La poussière entre dans mes yeux, mes poumons et mes oreilles… la douleur est atroce ! La sueur ruisselle de mon corps, épaisse, brûlante et noirâtre, mes habits me collent à la peau, et la température devient soudainement insupportable ! Les portes d’aérage battent, mais l’air est irrespirable. Je souffre.
Galeries de mine maçonnées.
La progression est difficile. Finalement, on me l’annonce « La veine ! ». C’est la veine où se trouve le front de taille. Le toit en pente descend si bas, que je dois plier l'échine sur près de trente mètres. L’eau m’arrive aux chevilles. Nous faisons deux cents mètres, puis nous montons. Quelques mètres plus haut, je rencontre la première voie secondaire. En levant la tête, mes yeux bien que pleins de poussières distinguent l’empilement des voies. Le front de taille est là… à près de trois cent pieds sous terre ! Je pioche, j’abats, je charge les berlines. Je pioche, j’abats, je charge les berlines… je répète incessamment ce difficile rituel, soutenu par une planche, mon corps presque nu incliné sur à peine trois mètres. Je ne sais combien d’heures se sont écoulées quand on m’annonce que nous remontons… Sous terre, le temps est comme figé.
Galeries de mine cintrées.
Arrivé à la surface, le corps noir de charbon, les muscles douloureux je ne peux m’empêcher de penser que ce premier jour au fond de la mine fut une journée aux portes de l’enfer. Mes mains tremblent mais j’écris...En aurais-je encore la force demain ?
- Extrait de Germinal:
Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d'une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une goutte, s'acharnant dans son oeil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet."
- Une note d'Histoire:
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