mercredi 18 février 2009

Sixième note:



Déclaration d'accident (1889):


Vendredi 2 avril 1884,

Aujourd’hui la mort a frappé. La mine a tué. Cela fait un mois que je n’ai pas écris, un mois que je descends, jour après jour, braver l’enfer de la mine.

Hier, la mine nous a rappelé à quel point elle était dangereuse. L’eau, ennemie mortelle du mineur. Elle est partout, elle s’introduit partout, elle suinte, elle coule … On ne peut y échapper.

Nous étions sur le front de taille quand l’événement s’est produit. Le pic d’un mineur perça une poche d’eau, un ancien travail oublié rempli d’eau et de gaz sous pression. Nous tentions en vain de colmater la brèche. Le jet fut puissant, irrépressible. Il nous fallu fuir. Mais l’eau envahit tout, renverse dans un grondement hommes, chevaux, berlines… Puis, le silence tomba. Chaque survivant constata l’horreur, la destruction et la mort de ses compagnons. J’entendis quelques prières. Le sauvetage était impossible. De l’eau jusqu'à la taille, nous remontâmes la galerie, afin d’atteindre la surface. Là haut, chacun se réchauffait comme il pouvait. Les vieux mineurs racontaient les accidents qui avaient marqué à jamais la mine…

« Le plafond de la mine où nous travaillons n’est guère solide. Il pourrait bien s’effondrer tout d’un coup. Ma foi ! Crever ça m’est égal. Mais il faudrait ne pas souffrir. Quand du moins, ça vous tue sur le coup sans qu’on s’en aperçoive ! Ah ! J’en ai vu des éboulements, des camarades tirés en bouillie de dessous le remblai ou le charbon … Du bloc qui tombe du toit, au cuvelage qui cède et au puits qui s’effondre, l’éboulement c’est bien le danger le plus constant ! Un front de taille qui s’écroule, une galerie qui s’écrase, broyant les mineurs dans l’enchevêtrement des poutres et des rocs… Rares sont les survivants… » L’homme s’arrête les yeux vides, l’air pensif…

Soudain, un mot brisa le silence « Le grisou ». Ce simple mot jeta l’effroi dans le regard de chacun. « Ce samedi là, nous travaillions de manière acharnée au fond. L’horreur arriva avec la nuit. Au milieu des ténèbres une détonation cinglante. Un ouragan, un cyclone, une trombe, brûlant, renversant et détruisant tout sur son passage ! Une explosion de gaz des mines ! On remonta les corps, on les entassa, l’odeur était insupportable… » Dans un soupir le vieil homme se tu, la mine était en deuil.

Je rentre, silencieux, la gorge nouée, les yeux plein de larmes.La mine tue. Ecrire ces trois mots m’est pénible. La mort qui passe, le cri de mes camarades, le bruit assourdissant… Ces nombreuses images traversent mon esprit. Un cauchemar éveillé! Je m’endors. Demain je ne serais plus mineur...

Lantier Etienne, Le Journal De Charbon.

Gravure - Le Globe Illustré (Bruxelles) 1886 LA CATASTROPHE DE PATURAGES


  • Extrait de Germinal:
"Enfin, comme ils approchaient de l'accrochage,un torrent leur barra route. Ils eurent tout de suite de l'eau jusqu'aux genoux et ils ne pouvaient plus courir, ils fendaient péniblement le flot, avec la pensée qu'une minute de retard allait être la mort.
- Nom de Dieu! c'est le cuvelage qui a crevé, cria Etienne. Je le disais bien que nous y resterions!
Depuis la descente, Pierron, très inquiet, voyait augmenter le déluge qui tombait de puits. Tout en embarquant les berlines avec deux autres, il levait la tête, la face trempée de grosses gouttes, les oreilles bourdonnantes du ronflement de la tempête, là-haut."



  • Une note d'Histoire:

Tableau de statistiques des causes d'accidents. Par Halton de la Goupillière.




Exemple: chiffres de victimes de catastrophes minières.


Voici d'autres chiffres du XIXème siècle:

. Avril 1823 : Compagnie d'Anzin, 22 morts
. Juillet 1825 : Fosse Saint-Ignace (Boulonnais), 2 morts
. 1868 : Fosse 2 à Oignies, 4 morts
. Juin 1873 : Fosse 2 à Auchy-au-Bois, 7 morts
. Avril 1882 : Fosse 3 à Liévin,, 9 morts
. 1883 : Fosse 7 à Courcelles-les-Lens, 4 morts
. Février 1884 : Fosse 2 à Ferfay, 17 morts
. Janvier 1885 : Fosse 1 à Liévin, 28 morts
. Août 1885 : Fosse 7 à Courcelles-les-Lens, 10 morts

. Novembre 1869 : Fosse 1 à Bully, 18 asphixiés

Les lampes servent également à mesurer la proportion de grisou. En effet, sur certaines d'entre-elles, sont aménagés à l'intention des ingénieurs et des géomètres, des marquages et des graduations qui permettent de mesurer précisément la présence du grisou.

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